TEMPS PASSÉS

LE TEMPS GRIS

Tout a commencé un 29 juillet. Nous nous sommes réuni·es à Tracy-le-Mont dans l’Oise pour essayer de vivre un Temps gris. Nous nous sommes astreint·es à ne pas travailler mais avec le plus grand sérieux possible. Première décision collective, ne pas avoir de programme. Deuxième pas fait ensemble, réunir les envies de chacun·e et essayer de leur trouver une place, au fur et à mesure, en parlant et en cherchant, dans le temps des jours et des nuits grises.

Une marche nocturne sans lumière artificielle
De l’équilibre
Des mochis faits maison
De la peinture sur rocher
Des pizzas
De la cueillette
& beaucoup d’autres choses

Il y a pleins de moments qui ne sont ni du travail, ni des loisirs. Nous vivons toustes des Temps gris, dans les transports par exemple. Il y a de grandes périodes de vie grisées, l’enfance, l’adolescence, … d’autres qu’on ne sait pas forcément nommer et qui diffèrent selon les routes de chacun·e.

Le Temps gris pratiqué volontairement n’est pas triste. C’est même une tentative pour renouer avec l’utopie du Temps coloré. En cassant la coquille du temps-travail, on retrouve assez facilement la couleur des heures joyeuses de la vie, passion, satisfaction, ardeur, curiosité, …
Et peut-être, cela nous permet d’imaginer une vie pleine dans laquelle les temps d’amour, de politique, de voyage ou de fabrication occupent une place étendue et jamais fuyante.

L’ANNIVERSAIRE DE L’ART

Tout a continué un 17 janvier. Car cette heureuse journée est celle de l’anniversaire de l’art.
Une journée imaginée par l’artiste Robert Filliou. Pour célébrer cet anniversaire, nous nous sommes retrouvé·es à la Maison Auriolles près de Villeneuve-sur-Lot.

Si comme le dit Robert Filliou, l’art est ce qui rend la vie plus belle que l’art, l’art tend à disparaître.
Dans le poème l’histoire chuchotée de l’art – qui détermine cette date anniversaire de l’art – l’art semble d’ailleurs avoir disparu… avant même d’avoir existé.

« 1.
chuchoté
: tout a commencé un 17 janvier, il y a un million d’années.
un homme s’empara d’une éponge et la plongea dans un seau d’eau.
le nom de cet homme n’est pas important.
il est mort, mais l’art est vivant. » L’histoire chuchotée de l’art, Robert Filliou,

Étant plusieurs artistes pour ces premiers Temps gris, la décision de ne pas travailler impliquait alors de suspendre notre jugement sur ce que nous faisions. En tant que travailleur de l’art, je dois reconnaître que l’art a partie liée avec le temps-travail, le temps quantifié de la modernité. S’extraire de cette orbe c’est se défaire, le temps du temps gris, du statut artistique de nos activités.

Lire le poème « L’histoire chuchotée de l’art »
Lire et discuter un résumé d’un rapport du GIEC
Prendre le goûter
Faire un cache-cache sardines
Préparer un gâteau d’anniversaire
Tirer les cartes
& d’autres choses encore

LE TEMPS VERT

Parler aux autres de ces tentatives n’est pas toujours facile. Le temps libre est difficile à raconter tout autant qu’à réaliser. Le temps réel semble coïncider avec le temps physique ou déclaré tel. Pourtant, il n’y a pas de raison à vouloir réduire absolument le temps à cela. Le temps du monde est riche de nombreuses qualités, élasticité, lenteur, douceur, fluidité, couleur, …, retrouver cette variété nous permettrait peut-être de renouer un rapport plus apaisé et empathique aux autres êtres vivants et à notre cosmos.

Le gris ne suffit pas ou plutôt comme le confinement et la grande ombre des zoonoses nous l’ont appris, le gris est toujours vert. Pour rejoindre les vivants non-humains à l’écart du temps-travail, nous avons vécu un Temps vert. Le Temps vert a eu lieu les 20, 21, 22 et 23 juillet à Champcueil dans l’Essonne. Nous avons écrit chacun·e séparément nos envie vertes à une participante. À l’orée du Temps vert, cette liste a été révélé et les envies vertes réparties sur les différentes heures d’éveil.

La société des mésanges
La patience du héron
La profondeur de la Terre
Le plat émouvant de la platière
Le foudroiement de la forêt
Le goût amer des sorbes
Le goût âcre des prunelles
Toutes les nuances de verts de la forêt de Champcueil
Le jaune qui est parfois vert chez les grecs
Le chemin vert parfait
Le temps et les nuages gris
Les rayons, les abris, les rochers, les pavés

Notre manière de vivre le temps est largement aussi mythique que par exemple le Temps du rêve des aborigènes australiens. Le moment présent, l’instant de tous les possibles ou de la réalisation, est une fable étrange. Et l’anthropocène vient rompre le cours de cette histoire. Dans ces moments laissés libres par l’incertain, les Temps communs prennent place. Quel temps imaginé allons-nous vivre maintenant ?

Les photographies ont toutes été prises par les participant·es de ces Temps passés, Céline, Sarah, Virginie, Nicolas et d’autres encore. Une photographie n’appartient pas à un Temps passé. Saurez-vous la retrouver ?