« Prenons des objets artistiques, des dessins par exemple, ils dorment tranquillement dans le placard d’un atelier. Concrètement, ils ne valent rien, on peut essayer de les vendre, mais on risque bien de ne rien en tirer. Le plus bizarre, c’est que ces dessins, imaginons-les maintenant dans la réserve d’un collectionneur d’art. Ils ont maintenant une valeur. Mettons-les en vente et on les échangera contre une certaine somme d’argent. Cette accroissement de la valeur a de multiples raisons, mais il y en a une particulièrement que je voudrais explorer ici, c’est leur qualité d’être ensemble qu’on appelle « collection ». La collection est ce geste magique qui réunissant un certain nombre d’oeuvres d’art leur confère une valeur et les fait perdurer dans le temps long et l’histoire. Le mot même de collection est un terme surchargé, l’histoire de la collection s’intriquant à l’histoire de l’art, avec son origine dans les cabinets de curiosités et comme un des fondements du monde artistique occidental : qu’on pense au terme « collection » employé pour qualifier les oeuvres d’art d’un musée. Cependant si cette opération est un incontournable dans le champ de l’histoire, elle est tout autant un rouage du capitalisme, de l’impérialisme et du colonialisme. Dans Les anneaux de Saturne, W. G. Sebald constate que « […] nombre de musées remarquables tels que le Mauritshuis, à La Haye, ou la Tate Gallery, à Londres, ont vu le jour grâce à des donations de dynasties sucrières ou sont liés de quelque manière au commerce du sucre.» En France, les campagnes napoléoniennes ont contribué à « l’universalisme » des collections publiques tandis que l’entreprise coloniale a permis de réunir d’immenses collections dites « ethnographiques ». Les collections sont donc mêlées intimement aux faits de domination géopolitique. Aujourd’hui, les collections sont toujours des éléments du pouvoir de l’élite : collection Pinault à la Bourse de Paris ou celle de la fondation LVMH, pour ne citer que deux des plus impressionnantes manifestations.
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