
Le nexus est un local commun au sein de notre propre espace internet, un local relié aux autres espaces du même type pour partager entre pairs et non sous la houlette d’une grande plateforme. Nous pouvons y déposer les éléments d’une réalisation ou d’une mémoire, des choses fragiles ou imparfaites, précieuses, profondes. Ces espaces semblables et changeants seraient comme un livre miroitant. Un monde différent des réseaux sociaux, lieux de la visibilité et de la concurrence. En contrepoint, le nexus aimerait redonner une place à la réflexion, à l’invention, à la recherche ou au doute dans nos activités numériques.
Nexus : https://nexus-dock.github.io
L’instance mondes heureux : https://unemontagne.github.io/nexus/
Pourquoi avoir créé Nexus ?
Ce qu’on appelle « réseaux sociaux », Facebook et instagram notamment sont des outils très utilisés dans le milieux de l’art. Or ces outils sont loins d’être neutres. La logique d’accumulation des likes/j’aime pose la visibilité comme seul critère de réussite, la notion de profil induit une conception de l’égo isolé et imperméable à l’altérité, la promotion de publications à fort contenu émotionnel exclu des publications plus réflexives ou sentimentales et il en va de même avec le fort degré d’esthétisation des photographies sur instagram qui laisse de côté le peu visible, le laid, l’ordinaire, l’incompréhensible ou le protéiforme. Les réseaux sociaux dominants ne sont pas un terrain fertile pour les expériences artistiques, linguistiques : la réflexion critique, les propositions nouvelles, les bribes de pensées naissantes, les photos non conventionnelles ne font souvent l’objet d’aucun intérêt, moins de 10 likes et aucun commentaire.
Ce qu’on appelle habituellement création, c’est-à-dire la pensée artistique, la recherche, l’idée en formation, le sentiment non encore qualifié, le processus de réalisation d’une oeuvre, … en vient à s’absenter des réseaux, pire elle est remplacée par une bataille pour l’auto-promotion. Comme le temps passé sur les réseaux sociaux n’est pas un temps artistique, les détenteurs de ce capital de visibilité doivent donc s’accaparer le travail artistique réel produit par d’autres. Cela équivaut à mettre en place un système d’exploitation où ce sont les artistes qui produisent réellement un opus artistique qui vont être exploités et marginalisés par ceux qui ont le temps, les capacités et le capital social pour rendre visible un opus. C’est donc dans l’intérêt des producteurs, de l’opus artistique (mais aussi pourquoi pas scientifique, philosophique, ou même politique ?) de reconstituer des espaces communs où la valeur de l’activité productive artistique, de la création, ne soit pas de fait appropriée par d’autres !
C’est aussi la valeur de l’art même comme forme historique qui est en jeu. En effet, l’exploitation culturelle a tendance à produire le même effet d’épuisement des ressources que l’exploitation des milieux naturels. L’incapacité à la transformation des sociétés occidentales en est sans doute un symptôme. Inversement, l’activité artistique est plus féconde quand elle est partagée. La pensée d’une oeuvre ne devrait pas être vue comme une activité solitaire et relevant du génie individuel ou de la compétition sur des scènes artistiques, mais se faisant au sein d’un milieu. Et c’est d’ailleurs de la fertilité de ce milieu que nous dépendons, nous artistes. S’il serait naïf de croire qu’Internet peut reconstituer un milieu détruit, en revanche, un bon usage d’internet peut peut-être au moins protéger et amplifier un travail de remédiation du sens artistique.
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