
Les relations entre les plantes et les humains sont un mondre très riche. Je pourrais résumer l’intérêt que je leur porte en trois questions : quels sont les liens « affectifs » qui unissent les plantes et les humains ? Qu’est-ce qu’une communauté végétale et humaine ? Quelle expérience de l’espace les végétaux font-ils ? Je me suis posé ces questions tout au long de mes visites aux Jardins des Vertus à Aubervilliers. Et également en les dessinant, les photographiant et les racontant. Ce travail de réflexion et de documentation trouvera son aboutissement dans la réalisation d’un objet : un Tarot des Jardins.
AFFECTS VEGETAUX

A la suite d’une précédente recheche, appelée Une Nouvelle Economie affective, j’ai compris que les liens affectifs sont tout aussi réels et déterminants que les besoins matériels. C’est une évidence qui pourtant ne transparaît pas toujours dans les représentations d’une société « matérialiste » : il y a toujours des sentiments entre les humains qui vivent ensemble. Et même plus, les liens qui relient les humains les uns aux autres ne cessent pas d’exister dans des conditions difficiles, au contraire, dans de nombreux cas, ils sont plus forts.
Une des raisons pour lesquelles je m’intéresse aux Transmissions Végétales – aux relations plantes-humains – c’est que je suis persuadé qu’il en va de même avec les plantes. S’il est vrai que la science a longtemps porté un regard physicaliste sur les plantes (en se concentrant sur les échanges chimiques de la plante à son environnement par exemple), l’expérience quotidienne de n’importe quelle personne prennant soin d’une plante traduit une réalité différente, dans laquelle, les affects de la plante comptent (l’état de la plante mais aussi ses besoins et ses réactions particulières). 1
Il y a donc des intéractions entre les affects végétaux et humains. Ces échanges ne sont pas bien sûr identiques à une communication entre deux humains. Dans la première édition des Transmissions Végétales, j’ai cherché certains affects partagés entre les plantes et les humains.
LA COMMUNITE DES JARDINS

Ces affects végétaux sont aussi présent dans un deuxième lieu que j’ai fréquenté, les Jardins des Vertus à Aubervilliers. Ils sont même très présents et très riches à travers le soin mis à cultiver un jardin et par la richesse végétale de ceux-ci. Les jardinier.es parlent volontiers de leur attacement à leur jardin. Ces questions ont été heureusement documentées.2 Pour moi, j’ai aussi perçu autre chose, la taille des jardins et leur unité, m’a laissé un sentiment très particulier : quand des êtres vivent ensemble, ils tissent des liens et ils arrivent à consolider collectivement quelque chose à partir de leur aspiration individuelle à vivre. A force de s’affecter, positivement, les uns les autres, les êtres en viennent à former une sorte d’être commun.
ESPACE VEGETAL

Je m’intéresse aux Jardins d’Aubervilliers à leur capacité à se constituer ensemble comme une entité propre. Une entité éminement politique puisqu’elle a engendrée une lutte, qui plus est victorieuse. J’appelle cette étrange configuration, être à la fois une entité et des relations entre des êtres singuliers, la communité des jardins.
Depuis longtemps, je suis passioné par les manières qu’on a de représenter le monde. Je crois que la conception que nous avons de l’espace influence grandement nos manières de vivre. L’art visuel a une relation historique a ce problème avec l’apparation de la perspective, constituant un élément fondateur de la modernité.
La crise écologique actuelle est aussi une crise de l’espace, de l’espace vécu par les humains ; on ressent maintenant clairement – avec les canicules par exemple – le heurts avec les limites terrestres. Même si cela paraît plus abstrait que beaucoup de d’autres changements nécessaires, il me paraîtrait illogique de continuer à faire des images dans l’ancien monde visuel.
En tentant de comprendre les formes de vie végétales, je perçois une relation à l’espace très différente de celle des humains. L’exemple « des corps » est parlant, le corps humain est pourvues d’une symétrie gauche/droite, tandis que le « corps » d’une plante a une symétrie axiale verticale. Ces deux traits renvoient aussi à l’immobilité de la plante et à la mobilité des animaux humains. La relation à la lumière est aussi un trait important qui détermine la spatialité propre des plantes. Je suis persuadé que les différences entre ces deux univers végétaux et humains est porteuse de sens et de riches possiblités pour expérimenter une conception de l’espace alternative.
LE TAROT DES JARDINS

Ces préoccupations se trouvent leur application dans la réalisation d’images et la fabrication d’un objet. Je voudrais conjoindre ces trois lignes de pensée pour réaliser un objet : « un Tarot des Jardins ». Ainsi les affects pourraient aisément s’introduire dans la logique des différents arcanes majeurs et de leur figuration (l’association entre une carte de tarot et un sentiment, un état d’esprit, une humeur est habituelle). La communité des jardins et ses très nombreuses dimensions trouverait une expression parfaite dans la république des tarots, la représentation d’une société, humaine et non-humaine (Cf l’étoile, le chariot, la tempérance, etc.) à travers des cartes. Le tarot devenant à la fois une entité, la société des jardins et de multiples relations possibles entre les cartes. Et enfin le tarot est une occurence d’un monde ancien, un monde pas tout à fait moderne, dans notre univers. Cet différence pourrait être utilisée pour travailler sur l’espace justement, et introduire une variété spatiale.
1.Quand les plantes n’en font qu’à leur tête , Dusan Kazic, La Découverte, 2022
2.Paroles de jardinier.e.s d’Aubervilliers et de Pantin, Agitations Potagères, 2021
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