Ces dernières années, j’ai dessiné et écrits sur deux mondes séparés, les plantes et la critique de l’art contemporain.

Étrangement, ces deux implications s’intitulent «Transmissions végétales» et «Courants faibles». Les deux emploient un terme lié au mouvement. Je me dis aujourd’hui qu’il y a plus de ressemblance entre ces deux univers que l’apparente différence le laisserait penser. Les plantes sont des courants faibles, des forces discrètes, non dominantes, mais déterminantes. Les courants faibles sont des déplacements vitaux que l’on fait pour transformer les existences, des actes qui tiennent peut-être plus d’une puissance de vie, à l’image de celle des plantes, que d’actions programmées.

J’observe que les artistes subissent des pressions multiples pour unifier leur travail, l’inscrire dans un champ donné, lui donner un sujet. Cela commence dès l’école d’art et se poursuit tant au niveau institutionnel que marchand. Cette segmentation permet, il me semble, un contrôle idéologique du discours artistique : chacun·e s’inscrit de soi-même dans un espace théorique donné, relativement standardisé, attendu et validé (ou non !) par les commissaires et les institutions. Tout cela participe de l’aspect bureaucratique et industriel de l’art contemporain. Et conduit aussi à une impossibilité de traduire une expérience commune du réel, puisque celle-ci, au moins outrepasse les catégories en cours, voir va à l’encontre de celles-ci (voir étude art regrès).

Cette double implication, inconfortable, plante et émancipation de l’art, devient alors une chance. La chance de pouvoir, en tentant d’établir des ponts entre ces deux domaines, appréhender une part insoupçonnée de notre relation au monde – ce que nous appelons avec Élise Vandewalle, la faiblesse.

Les dernières réalisations dans les Courants faibles utilisent principalement l’écriture. Celles en lien avec les Transmissions végétales, le dessin.

En bas : Convention AR, septembre 2023, photographie prise par Jonas Fadrique

FÉÉRICÈNE ACTE 1

résidence à la Maison Forte

Où l’on découvre que le merveilleux végétal peut être un problème

Nous passons deux semaines à La Maison Forte, Viviane Genest et moi. Enfin deux semaines de libre pour réfléchir à un sujet mûri et attendu, celui du merveilleux et des plantes. Nous y pensons depuis longtemps et avons rempli de nombreux dossiers pour nous permettre d’avoir un peu d’argent et de moyens pour nous y consacrer. La Maison Forte, un lieu d’art et de recherche a accepté notre proposition et nous voici donc chauffé·es à blanc, prêt·es pour l’art et la recherche.

Lire la suite

Pour en finir avec les regrès

Dans l’étude Art regrès, avec le groupe Ikonotekst, nous avons observé une tendance de l’art post-moderne allant de 1995 à 2010. À la suite de cela, nous écrivions :
« Dans l’art, nous distinguons plusieurs phases du post-moderne. La première phase que nous appelons “post-modernisme de l’Être”, est caractérisée par la rupture avec l’idée d’avant-garde, le retour de la peinture (peinture-peinture, nouveaux fauves, figuration libre, etc.), la nostalgie d’une époque lointaine et l’abandon de l’idée de progrès. [Elle se situe approximativement de 1980 à 1995. ] Le philosophe qui constitue la référence dans cette phase est Heidegger. Au pessimisme de cette première phase succède dans la deuxième phase ou “post-modernisme du l’Autre” un optimisme lié à la mondialisation et aux pouvoirs économiques (phase de croissance économique) et libidinaux de la marchandise. C’est le règne de l’installation […], avec un regain d’intérêt pour la performance, de la photographie et de la vidéo. Gilles Deleuze apparaît comme le philosophe le plus souvent mentionné pour l’art de cette période. Cette phase a duré de 1995 à 2010. Notre recherche a porté sur cette dernière période. Avec le basculement lié à la crise financière une nouvelle période semble d’ailleurs s’ouvrir (post-modernisme de l’”Ombre”) pour l’art qui derrière des principes éthiques montre des tendances plus violentes et plus mystiques. »

Lire la suite

NOS CONDITIONS D’EXISTENCE Manifeste des courants faibles

« L’invisible est vital

Les artistes invisibles en sont le foyer brillant.

Le cœur obscur de l’art contemporain C’est l’oligopole.

L’oligopole est le lieu du pouvoir de l’art :
Une avant-garde dévoyée, une cage
Un laboratoire, un modulateur de tendance.
Son emprise économique lui permet d’imposer, de dominer Voire de corrompre.

Son dispositif extractiviste vampirise la culture esthétique.

Le but est d’établir une certaine valeur de l’art :
Les gouverneurs de l’art repèrent et sélectionnent
Extraient des idées et délimitent des formes pour servir leurs intérêts.

Mais c’est de nous qu’ils se nourrissent
Même si parfois nous croyons aussi nous en nourrir.

Nous n’avons nul besoin d’oligopole
De mégacentres d’art, de fondations, de prix. Nous pouvons rompre nos liens avec cet ordre. »

Cabaret courant faible

Lire la suite

COÉNOSE

Le texte suivant a été écrit après l’exposition Coénose à Verrières-le-Buisson par Lucie Calise, Agnès Prévost et moi. Je le publie ici car je trouve ce mot coénose important, nécessaire. Il déplace notre attention des qualités d’appartenance vers les processus de formation : avec la communauté nous nous demandons qui en fait partie et pourquoi, avec la coénose c’est l’action de faire ensemble qui compte. Cette différence est inscrite dans les mots eux-mêmes composés du suffixe -(i)té pour la première, et du suffixe -ose pour le second.

« La science ne possède pas encore de mot par lequel une telle communauté d’êtres vivants puisse être désignée ; pas de mot pour une communauté où la somme des espèces et des individus, mutuellement limités et sélectionnés dans les conditions extérieures moyennes de la vie, est restée, par voie de transmission, en possession d’un certain territoire défini. Je propose le mot biocoénose pour une telle communauté. » Karl Möbius The oyster and oyster-culture

Lire la suite

LE VERT ENVAHISSANT un conte du monde de l’art

Avec Agnès Prévost, nous avons proposé trois rencontres-discutées à la Semeuse à Aubervilliers. Nous y avons partagé notre recherche Transmissions végétales. Pour la dernière séance, nous avons passé un après-midi à observer les plantes et à dessiner. En fin de journée, j’ai lu un conte.

Gomme et Crayon vivaient ensemble au beau pays de l’art
Crayon crayonnait et Gomme gommait joyeusement ce que Crayon dessinait
Mais lors d’une séance de dessin Gomme vit apparaître une minuscule tâche verte au coin de sa feuille
Gomme se jeta sur elle mais ne put la gommer
Crayon lui dessina deux petites feuilles et en fit une jolie pousse
Le lendemain la petite pousse avait poussé hors de la feuille et s’étirait et se contorsionnait au sol
C’était presque une flaque verte au milieu de l’atelier de Gomme et Crayon
Chaque jour Gomme essayait de repousser ce vert envahissant et Crayon lui crayonnait de nouvelles tiges, des feuilles, des fruits, …
Bientôt la maison fut envahie par une véritable masse verte qui débordait par toutes les ouvertures.
Elle atteignit la rue, puis les maisons alentours
Le vert recouvrait tout
Gomme s’usait à gommer en vain cette couleur agaçante

Lire la suite

AUBAINE, journée d’entraide

Depuis presque trois ans maintenant, un petit groupe se réunit une fois par saison pour une journée d’entraide. Nous appelons ces moments des aubaines.

« L’aubaine réunit un groupe de personnes décidées à s’aider pour traverser une difficulté. On peut amener à l’aubaine : le besoin de formuler une idée, d’être écouté, d’analyser une situation qui nous préoccupe, de poser une question, artistique, technique, écologique, sociale, …

Lire la suite